lundi 16 septembre 2013

La cigale à engrenages

Non ce n'est pas une blague, des chercheurs ont vraiment découvert le premier engrenage naturel fonctionnel, le tout chez la nymphe de la cigale bossue (Issus coleoptratus) ! La preuve en images.

Tout d'abord voici la bestiole en train de sauter :


Voici maintenant un (très gros) plan sur les pattes arrières au moment du saut (vues de l'arrière) :



Ce sont les chercheurs Malcolm Burrows et Gregory Sutton du département de zoologie de l'université de Cambridge qui ont fait cette fascinante découverte publiée dans Science jeudi dernier. Cet engrenage permettrait une parfaite synchronisation de la détente des deux pattes arrières pour contrôler l'orientation du saut.
Voici l'engrenage en microscopie électronique à balayage vu de face ; chaque dent de l'engrenage mesure une dizaine de microns, c'est-à-dire un dixième du diamètre d'un cheveu :


Rien d'autre que la bondissante "Chanson de la puce" (qui est chantée par Mephistopheles dans le Faust de Goethe) de Beethoven ne pouvait accompagner ce billet.

samedi 14 septembre 2013

**** L'avènement des cellules iTS : "induced totipotent stem cells"


Totipotentes, pluripotentes, multipotentes, unipotentes: voilà une façon simple de classer les cellules souches en fonction de leur capacité à générer tous, presque tous, plusieurs ou un seul type cellulaire d’un organisme. Les cellules souches dont on parle le plus sont soit pluripotentes comme les cellules souches embryonnaires (CSE) ou les cellules iPS de Shinya Yamanaka, ou bien multipotentes comme les cellules souches de la moelle osseuse. Les cellules pluripotentes sont reconnues au fait qu’elles peuvent donner naissance à tous les tissus embryonnaires mais pas aux tissus extra-embryonnaires.

Maintenant qu’on sait obtenir des cellules pluripotentes facilement grâce aux cellules iPS, un enjeu scientifique majeur consiste désormais à obtenir des cellules totipotentes, autrement dit des zygotes, capables de donner tous les tissus embryonnaires et non embryonnaires. De telles cellules peuvent être obtenues par fécondation bien sûr, mais aussi par transfert nucléaire, aussi appelé improprement « clonage » thérapeutique. Cependant depuis les travaux de Yamanaka, une autre voie s’ouvre aux chercheurs, celle de la reprogrammation de cellules adultes par des facteurs définis. Mais cette reprogrammation n’est qu’imparfaite : les cellules iPS sont équivalentes à des cellules souches pluripotentes mais elles ne sont pas totipotentes (une question déjà évoquée en 2008) – c’est d’ailleurs ce qui en fait une solution très acceptable même pour de pointilleux bioéthiciens.

Les « cellules iTS » : « induced totipotent stem cells »
Certains laboratoires ont déjà réussi à reprogrammer des cellules jusqu’à un état très proche de la totipotence en modifiant leur milieu de culture (voir le billet consacré à ces résultats publiés dans la revue Cell Reports au mois de juin). Cependant cette méthode est très aléatoire et il est difficile de repérer les cellules reprogrammées jusqu’à l’état totipotent. Mais de nouveaux travaux d’une équipe espagnol du CNIO de Madrid publiés cette semaine dans Nature montrent qu’il est très simple d’obtenir des cellules totipotentes si on effectue la même reprogrammation que pour les cellules iPS mais qu’on le fait non plus in vitro dans une boîte de culture mais in vivo, c'est-à-dire dans un animal. Pour cela ils ont généré des souris transgéniques exprimant les quatre facteurs identifiés par Yamanaka sous le contrôle d’un événement inducteur qu’ils pouvaient déclencher à volonté pour produire des cellules iPS dans des souris vivantes. Ils ont ainsi observé la formation de multiples tératomes et même de structures ressemblant à s’y méprendre à des embryons. Et cela a aussi été vu dans des souris parfaitement normales dans lesquelles ils avaient injectées ces cellules reprogrammées dans des souris transgéniques. Ces cellules, que j’appelerai cellules iTS pour la suite de ce billet, peuvent être simplement trouvées dans le sang des souris modifiées génétiquement, rendant l’isolation de ces cellules assez simple.

Aura-t-on des cellules iTS humaines ?
On le sait il existe des différences entre les cellules iPS et les cellules souches embryonnaires ; bien que très bien reprogrammées, les cellules iPS gardent une mémoire de leur origine adulte. Mais dans les deux cas ces cellules ne peuvent plus donner un embryon entier à elles seules, alors que les cellules iTS peuvent le faire. Si donc il n’y a pas d’objection majeure à utiliser des cellules iPS, il n’en sera pas de même avec des cellules iTS humaines. Qu’on se rassure dans l'immédiat : la méthode employée pour générer ces cellules chez la souris n’est pas transposable chez l’homme. Impossible en effet de générer des êtres humains transgéniques exprimant les facteurs de Yamanaka pour faire de la reprogrammation in vivo chez l’homme. Pourrait-on obtenir des cellules iTS autrement ? Sans doute, en identifiant quelques facteurs supplémentaires qui permettraient une reprogrammation totale ; à ce jour ces facteurs supplémentaires sont inconnus mais il ne fait aucun doute que certains labos travaillent d’arrache-pied à les identifier chez la souris et que les résultats seront rapidement exploités chez l’homme. Au rythme où on va on peut parier sans prendre de risque ce sera fait avant 2020, et sans doute bien plus tôt.

Merci à Franz Schubert dont le Winterreise interprété par Dietrich Fischer-Dieskau et Gerald Moore a accompagné l'écriture de ce billet.

jeudi 12 septembre 2013

Trisomie 21, cellules souches et vieillissement prématuré


La trisomie 21 est due à l'existence d’un troisième chromosome 21 au lieu des deux normalement présents dans toutes nos cellules. Ce chromosome est porteur d’environ trois cents gènes et les effets de ce chromosome supplémentaire sont multiples, car chacun des trois cents gènes peut induire un défaut. Cependant on peut espérer traiter certains symptômes liés à des gènes particuliers. Encore faut-il identifier les gènes responsables de ces symptômes (1).
En examinant deux modèles de souris pour la trisomie 21, des chercheurs américains de l'université de Stanford ont identifié un défaut affectant les cellules souches de la moelle osseuse présent dans un modèle et absent dans l’autre. Leur résultats ont été publiés dans la revue Nature hier. Le premier modèle est porteur d’un gène appelé Usp16 présent en trois exemplaires, alors que dans l’autre modèle ce gène n’existe qu’en deux exemplaires. Or ce gène Usp16 est capable de moduler l’expression de nombreux autres gènes ; c’était donc un bon candidat pour expliquer les différences constatées entre les deux modèles de souris. En caractérisant mieux les souris modèles, les chercheurs ont également identifié un défaut dans le renouvellement de cellules souches nerveuses. Ces résultats suggèrent que ce gène contrôle la prolifération des cellules souches qui au lieu de garder leur caractère « jeune » vieilliraient prématurément. Ces observations sont à rapprocher du vieillissement accéléré constaté chez les porteurs de trisomie 21.
On pourrait donc imaginer à terme, même si ce n’est pas pour tout de suite, moduler l’expression de ce gène afin de compenser les défauts de prolifération de certaines cellules souches et corriger peut-être non seulement des symptômes affectant le développement du cerveau mais aussi le vieillissement accéléré.

(1) Une autre solution consisterait à éteindre tout le chromosome supplémentaire, une perspective thérapeutique très différente mais envisagée par une équipe de recherche comme rapporté ici par le blogueur Le Passeur de Sciences.

lundi 9 septembre 2013

Une belle tête de vainqueur pour les IgNobel


Je vous préviens, ce n’est pas sérieux du tout, mais alors vraiment pas du tout. Mais il y a quand même une morale à cette histoire, qui concerne le "djendeur"…

Tout le monde connaît les prix Nobel mais les IgNobels sont moins connus. Ce sont des anti-Nobel, des célébrations de l’esprit loufoque de certains chercheurs. Ils sont décernés chaque années peu de temps avant les Nobel (qui comme chacun sait tombent début octobre) ; ce sera le 12 septembre cette année, donc après après demain. Je ne résiste pas à prendre un peu d'avance en décernant un IgNobel de mon cru aux récents travaux d’une équipe américaine.

Je me lance, mais pour vous, lecteur d’occasion ou régulier, je tiens à préciser que ce billet n’est que très peu représentatif de ce blog et qu'il est encore temps de vous arrêter là… Bref, l’équipe de recherche en question aurait montré que les hommes qui en ont de plus grosses font de moins bons pères que les autres – autrement que ceux qui en ont des petites sont des vrais papas poules... Et ce n’est pas publié dans un petit journal mais dans les « Comptes-rendus de l’académie des sciences » des United States of America, PNAS pour les intimes (Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA). Cet article n’est pas sorti un 1er avril mais aujourd’hui même, ce n’est donc pas une blague :-(

Bref, nos chercheurs es-jevouslaissedevinerquoi ont mesuré la taille des testicules de 70 hommes puis leur ont demandé s’ils étaient de bons pères, ont scanné leurs cerveaux pendant qu’on leur montrait des photos de leurs enfants, et ont demandé l’avis de la mère - oui, parce que quand même, on sait ce que ça vaut l’avis d’un homme sur la question de savoir s’il s’occupe beaucoup des enfants. Et voilà, c’est démontré et prouvé, la taille des testicules est inversement corrélée avec la capacité d’un père à s’occuper de son enfant. Le tout avec un effectif total de 70 hommes.

Et comme ils ne s’étaient pas encore assez ridiculisés à dévoiler leur obsession pour la taille des bijoux de famille à leur âge, voilà-t-y pas qu’ils en appellent à Darwin. Pensez donc mon brave monsieur, toute l’énergie que je mets à en avoir de grosses, je peux pas la consacrer à mes enfants, je ne peux que poussez des hurlements à la Tarzan en poursuivant Jane. En revanche moi qui en ait de toutes petites, j’ai plein d’ardeur pour fabriquer un bac à sable ou une cabane pour mes rejetons (toute ressemblance avec une situation réelle serait purement fortuite bien sûr). Vous trouverez ces fumeuses divagations énoncées (sous une forme plus sérieuse je vous l'accorde) par le dernier auteur de l’article dans la très sérieuse revue de vulgarisation qu’est le New Scientist.

Vous avouerez que tout cela mérite largement un IgNobel. Plus un pour tous les quotidiens qui ont déjà repris l’info, comme les très sérieux Guardian and Independent ; tiens c’est curieux ce sont les deux quotidiens britanniques les plus farouchement scientistes et athées qu’on puisse concevoir qui se laissent berner par des stupidités pareilles. 

J'en arrive à la morale promise : il est quand même curieux que ce soit les mêmes qui s’acharnent à démontrer que les hommes et les femmes sont interchangeables pour tout, et en particulier pour élever les enfants, mais prétendent que la taille des roubignoles de monsieur vont déterminer ses vertus paternelles. On n’est pas sorti de l’auberge !