jeudi 27 août 2009

Qui a dit ça ?

"(...) la génétique moderne occupe une place d’une importance particulière au sein des disciplines biologiques qui ont contribué au développement prodigieux des connaissances sur l’architecture invisible du corps humain et les processus cellulaires et moléculaires qui président à ses multiples activités. La science est parvenue aujourd’hui à dévoiler aussi bien différents mécanismes cachés de la physiologie humaine que des processus qui sont liés à l’apparition de certains défauts qui peuvent être hérités des parents, ainsi que des processus qui exposent davantage certaines personnes au risque de contracter une maladie. Ces connaissances, qui sont le fruit de l’ingéniosité et des efforts d’innombrables chercheurs, permettent de parvenir plus facilement non seulement à un diagnostic plus efficace et précoce des maladies génétiques, mais également à produire des thérapies destinées à soulager les souffrances des malades et, même dans certains cas, à leur restituer l’espérance de recouvrer la santé. En outre, depuis que la séquence du génome humain tout entier est disponible, les différences entre un sujet et un autre et entre les diverses populations humaines sont également devenues l’objet d’études génétiques qui laissent entrevoir la possibilité de nouvelles conquêtes. Le domaine de la recherche demeure aujourd’hui encore très ouvert et chaque jour, de nouveaux horizons en grande partie encore inexplorés sont découverts. L’effort du chercheur dans ces domaines si énigmatiques et précieux exige un soutien particulier ; pour cela, la collaboration entre les différentes sciences est un support qui ne doit jamais manquer pour parvenir à des résultats qui soient efficaces et qui produisent dans le même temps un progrès authentique pour l’humanité tout entière. Cette complémentarité permet d’éviter le risque d’un réductionnisme génétique diffus, qui tend à identifier la personne exclusivement à travers la référence à l’information génétique et à ses interactions avec le milieu.(...)

C'était le 21 février 2009. Pour savoir qui a prononcé ces paroles il suffit de cliquer ici.

Tout ce que j'aurais pu vous raconter pendant les vacances

Ce billet est un résumé de quelques fait marquants des trois dernières semaines.

- Arrêt du premier essai de thérapie par cellule souche embryonnaire (CSE)
La Food and Drug Administration (FDA) a ordonné l'arrêt du premier essai clinique utilisant des CSE et organisé par la société Geron en vue de guérir des lésions de la moelle épinière. La FDA a pris cette décision au vu de données supplémentaires sur les essais faits chez les animaux par Geron. On n'en sait pas plus pour le moment.
Source : The Niche

- Le Japon simplifie sa régulation du travail sur les CSE
Il fallait auparavant deux autorisations pour qu'une équipe japonaise puisse travailler sur les CSE : une de leur institut et une au niveau national. Cette dernière a été supprimée ce qui aura pour effet d'accélérer considérablement le processus d'autorisation. Mais beaucoup de labos entre temps décidé de travailler plutôt sur les cellules reprogrammées (cellules iPS). De façon paradoxale, l'un des derniers à avoir utiliser le processus en deux étapes n'est autre que Yamanaka, l'inventeur de la reprogrammation ; il veut en effet comparer dans le détail les cellules iPS et les CSE.
Source : ScienceInsider

- Le cerveau distingue le vivant de l'inanimé de façon innée
Le cerveau "traite" les informations visuelles sur un être vivant dans une zone différente de celle utilisée pour analyser les objets inanimés. De façon surprenante, une étude parue dans la revue Neuron démontre que c'est aussi le cas chez des aveugles de naissance. La capacité de voir n'a donc pas d'impact sur cet aspect du développement du cerveau qui semble inné. The Deeps of Time fait remarquer que si le cerveau peut distinguer de façon prédéterminée le vivant de l'inanimé... cela pourrait être embarrassant pour un matérialiste considérant qu'il n'y a pas de différence ontologique entre ces deux états de la matière.
Source : ScienceDaily

- Nouvelle utilisation des cellules iPS pour modéliser une maladie humaine
Plusieurs études (1) avaient déjà démontré qu'on pouvait dériver des cellules iPS à partir de cellules d'enfants ou d'adultes atteints de différentes maladies. Mais pour la première fois un article de la revue Nature va plus loin : après avoir générer des cellules iPS à partir de patients, les auteurs de l'article ont exploité ces nouvelles cellules pour modéliser et mieux comprendre la maladie. Celle-ci, la dysautonomie familiale (2), est due à une mutation du gène IKBKAP qui affecte certains neurones. Obtenir ces neurones de patients est bien sûr impossible, sauf peut-être après un avortement thérapeutique. Mais la technique de la reprogrammation est maintenant disponible et cette maladie peut désormais être modélisée avec les cellules iPS. Celles-ci sont re-différenciées en neurones que l'on peut examiner de façon précise.

(1) - Dimos, J. T. et al. Induced pluripotent stem cells generated from patients with ALS can be differentiated into motor neurons. Science 131, 1218–1221 (2008). Commentaire sur ce blog.
- Ebert, A. D. et al. Induced pluripotent stem cells from a spinal muscular atrophy patient. Nature 457, 277–280 (2009). Commentaire sur ce blog.
- Park, I. H. et al. Disease-specific induced pluripotent stem cells. Cell 134, 877–886 (2008). Commentaire sur ce blog.
- Soldner, F. et al. Parkinson's disease patient-derived induced pluripotent stem cells free of viral reprogramming factors. Cell 136, 964–977 (2009).

(2) Résumé sur la dysautonomie familiale (DF) : la DF est une maladie héréditaire caractérisée par une perte des sensations et par une altération sévère de l'activité du système nerveux autonome entraînant des dysfonctionnements multisystémiques. La DF affecte presque exclusivement la population juive d'Europe de l'Est avec une incidence annuelle de 1 sur 3 600 naissances. Elle touche aussi bien les hommes que les femmes. Elle est présente dès la naissance et est progressive. Suite...

vendredi 7 août 2009

2009 année Darwin ? Ou bien...

2009, vous n'avez pas pu le rater, est l'année Darwin. C'est le 200e anniversaire de sa naissance, et le 150e anniversaire de la parution de "L'origine des espèces (...)".
On sait moins que le 14 août 1809 eut lieu la présentation de la "Philosophie zoologique" de Lamarck devant l'Institut National des Sciences et des Arts qui deviendra l'Institut de France. C'est à lui que l'on doit la première formulation d'une théorie de l'évolution. Elle était loin d'être parfaite, mais il a eu l'intuition, 50 ans avant Darwin, que les êtres vivant aujourd'hui pouvaient avoir des ancêtres communs. C'est aussi l'inventeur du mot "biologie" et le fondateur de la zoologie des Invertébrés.

L'hérédité des caractères acquis enfin à l'honneur
De plus, la fameuse "hérédité des caractères acquis" est maintenant démontrée comme existant bien. Certes pas dans le sens où Lamarck et Darwin l'entendaient (car Darwin y croyait aussi), mais au travers de l'épigénétique. Ces modifications non génétiques de l'ADN permettent d'éteindre ou d'allumer des gènes sans qu'il y ait de mutation. C'est par exemple ce qui se passe quand on reprogramme une cellule différenciée en cellule iPS. Et ces modifications peuvent être transmises à la descendance, induisant des variations héritables non issues de mutations génétiques.

jeudi 6 août 2009

Origine évolutive de la religion ?

Un mouvement de plus en plus insistant veut nous faire croire que le "sentiment religieux" est une conséquence naturelle de l'évolution de la branche humaine. Pour ceux qui ont un doute il suffit de lire un résumé sur Wikipedia (ici, en anglais) ou de parcourir les livres d'anthropologues comme Pascal Boyer ou Matthew Alper.
Je ne tiens pas à discuter ici des détails des différentes théories mises en avant. Je voudrais juste poser la question de l'origine évolutive de l'athéisme. Si vraiment le "sentiment religieux" peut s'expliquer par un avantage sélectif, on peut se demander quelle(s) mutation(s) ont donné naissance au "sentiment anti-religieux"...
Librement inspiré de The Deeps of Time.

Après les chinois, les américains

Le 23 juillet dernier, une équipe chinoise démontrait qu'on pouvait générer des souris adultes et fertiles à partir de cellules adultes reprogrammées en cellules iPS (voir ici) ; il suffisait pour cela d'injecter ces cellules dans un embryon tétraploïde au stade blastocyste. Le fait que l'embryon de départ soit tétraploïde, c'est-à-dire qu'il contient deux plus d'ADN que la normale, est crucial : il ne pourra fournir que les tissus extra-embryonnaires, donc seuls les cellules injectées formeront le nouvel embryon. On savait le faire avec les cellules souches embryonnaires (CSE), démontrant ainsi leur pluripotence. On sait désormais le faire aussi avec les cellules iPS, établissant ces dernières définitivement comme des équivalentes des CSE.

À quoi joue Nature ?
Le 2 août, Nature a publié un second article, d'une équipe américaine cette fois, décrivant le même résultat. Il n'est pas rare que le même résultat soit publié deux fois, mais cela se fait toujours simultanément, les deux articles étant publiés en même temps. Pourquoi donc ce décalage de quelques jours ? C'est sans doute dû au fait que le journal Cell Stem Cell a publié lui aussi ce résultat le 23 juillet, au détail près qu'aucun adulte reproducteur n'avait été obtenu dans cette troisième étude. On peut donc penser que Nature n'a pas voulu se faire voler la vedette et a publié rapidement l'article déjà prêt...

Une phrase qui n'a pas de sens
Dans l'introduction du second article de Nature, on lit ceci : "Autonomous generation of mice from iPS cells would validate direct reprogramming as equivalent to reprogramming by SCNT, establish iPS cells as functional substitutes for ES cells, and provide a new method to generate adult mice from differentiated." [La formation de souris de façon autonome à partir de cellules iPS validerait la reprogrammation directe comme l'équivalent de la reprogrammation par transfert nucléaire de cellule somatique [le clonage en langage commun], établissant les cellules iPS comme un substitut fonctionnel pour les cellules souches embryonnaires, et fournirait une nouvelle méthode pour générer des souris adultes à partir de cellules différenciées.]
La première partie de cette phrase n'a pas de sens : le clonage consiste à mettre le noyau d'une cellule différenciée dans un oocyte. On crée donc un embryon comme l'a prouvé l'obtention de la brebis Dolly. En revanche, la reprogrammation en cellule iPS ne produit pas un embryon, ce n'est donc pas l'équivalent du clonage. Certes, dans les deux cas on reprogramme une cellule différenciée, mais il y a un monde entre placer un noyau dans un oocyte et introduire quatre facteurs de transcription. Ce qui crée un embryon dans ce dernier cas, c'est l'injection de cellules iPS dans un blastocyste tétraploïde. Je suis donc en revanche tout à fait d'accord avec la deuxième partie de la phrase : les cellules iPS sont bien validées comme des substituts aux cellules souches embryonnaires.
On pourra aussi se reporter à une discussion sur ce sujet sur ce blog.